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contribution 14 - ESSOUNGOU André-Michel

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Protection des témoins vs Publicité des débats

André Michel ESSOUNGOU

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André Michel Essoungou, journaliste à l’époque des faits.

Ma petite contribution consiste simplement à ajouter à ce qu’a dit Maître Biju-Duval, mais selon le point de vue du journaliste que j’ai été pendant deux ans travaillant pour une radio qui avait l’ambition de couvrir ce Tribunal à un moment où, ni la presse internationale, ni personne n’était présent à Arusha.

Le secret sur les témoins et sur les débats, je crois bien comprendre, on l’a souvent entendu, était important pour diverses raisons sécuritaires. Mais pour les journalistes et à plus long terme pour le grand public, cela entraînait l’impossibilité de suivre ce qui se passait là-bas, notamment comme journaliste de radio qui devait couvrir les choses tous les jours.

En réalité, je me souviens avoir couvert au début les procès lors des propos liminaires des procureurs et de la Défense. Parfois, avec des témoins connus comme Dallaire et quelques autres. Pour le reste, il fallait le plus souvent se fier aux Avocats de la défense et ceux du Procureur qui, pour diverses raisons, parlaient assez peu. Ceci entraîne qu’on fait mentir ce précepte que les juristes aiment répéter selon lequel « Justice must be done but has to be seen done ». Or, nous journalistes qui sommes là, nous ne voyons pas cette justice. Comment alors la faire voir à l’extérieur ?

Après avoir passé deux ans à ce Tribunal, une des choses fascinantes que j’ai réalisées, c’est que je ne savais rien de ces procès. Il fallait reprendre les jugements. En partie, parce que les témoins parlent, on les entend, mais on ne les voit pas. On ne sait pas qui parle. Comment rendre compte d’un événement où le témoin X a dit que tel a tué, et puis le témoin Z avait dit que non il n’a pas tué ?

Autour de ces débats, je n’ai pas de solution. Il faudrait davantage réfléchir à faire en sorte que cette justice soit vue, pour qu’elle ait un impact. Et là, je parle pour un confrère rwandais qui, à l’époque travaillait pour la radio rwandaise et qui avait encore plus de mal que moi à rendre compte de ces audiences. C’était fascinant, parce que moi, je rendais compte à des millions d’auditeurs africains et en dehors, mais lui, il devait rendre compte à ceux pour qui ces procès avaient lieu. Et il terminait des semaines sans avoir écrit un article. C’était terrible ! Ces procès, c’est pour les Rwandais, donc, oui, il faut protéger les témoins. Mais à quoi sert une justice qui ne se voit pas ? Telle est la question.

J.M. SOREL

Magnifique question pour terminer. François Roux, non pas pour répondre à cette question mais pour une remarque.