accueil > SESSION 3 > 31

contribution 31 - NGENDAHAYO Françoise

français english

thématiques

Difficulté du témoignage - Enjeux des traductions

Françoise NGENDAHAYO

version originale

Merci, Monsieur le Président. Je voulais juste illustrer ce que l’interprète vient de dire en donnant un exemple, pour avoir eu le privilège de suivre de près le procès d’Akayesu il y a quelque temps.

En effet, la victime avait des problèmes pour exprimer le viol dans sa langue nationale en utilisant une traduction adéquate. Dans certaines circonstances, une traduction inadéquate peut faire perdre du temps au procès. Dans la culture rwandaise et burundaise, le mot « viol » est confondu avec le mot « mariage ». Ainsi, la victime avait déclaré à la Cour qu’elle avait « été mariée » au lieu de dire qu’elle avait été « violée ». Donc, ceci a pris énormément de temps pour que les gens comprennent les nuances.

Ce que je recommanderais, comme l’a dit Monsieur Alfred Kwende hier lorsqu’il a parlé d’une connaissance socioculturelle du milieu des enquêtes, c’est qu’il y ait une terminologie partagée depuis le stade des enquêtes jusqu’au jugement, parce que non seulement les mots font perdre beaucoup de temps, mai aussi, ils peuvent donner une fausse interprétation juridique. C’est très important.

Par exemple, le mot « kurongora » — le mot comme je l’ai décrit — insinue une banalisation du crime de violence sexuelle. Ceci insinue que ce crime était considéré comme normal, comme une « forme de mariage ». Donc, cela montre dans quelle mesure la philosophie du viol est presque tolérée dans notre culture et que, peut-être, les gens qui l’ont perpétré croyaient que c’était une continuation d’exploitation, comme on le dit, du « butin de guerre ». Ainsi, la connaissance de la culture pourrait fournir des explications complémentaires pour les procès.

Je vous remercie, Monsieur.

J.M. SOREL

Merci beaucoup, Madame. Cette précision est non seulement très importante, mais je l’ignorais et je la trouve extrêmement intéressante par rapport, effectivement, au sens que l’on donne à certains mots et donc, à partir de là, à certaines inculpations qui peuvent exister.

Nous n’allons pas faire le procès de la Défense, mais tout de même, dans les différentes fiches que j’ai pu lire, la Défense est attaquée. C’est normal, c’est bien, puisque à priori, son rôle est plus de défendre. Attaquée, pourquoi ? Globalement, pour un problème de déontologie, mais pas de déontologie individuelle, de déontologie commune ou de code de conduite commun. Il semblerait qu’on lui reproche de ne pas avoir une ligne globale de conduite dans cette défense. Je ne juge pas, je ne fais que reprendre des témoignages que j’ai pu lire dans les différentes fiches.

Madame Condé, hier, a abordé la question du négationnisme — appelons-le par son nom —, le négationnisme qui serait né, finalement, du rôle du Procureur. Il existe, semble-t-il, un problème de ce côté là, mais il existe peut-être aussi le problème du « coupable idéal versus innocenté à tout prix ».

Quel est le rôle de l’avocat : la recherche de la vérité, innocenter son client ? Est-ce qu’il n’y a pas aussi ce que je pourrais appeler — mais cela ne sortira pas de cette salle — le « syndrome Vergès », pour les franco-français, c’est-à-dire le ténor du barreau qui, à tout prix, va vouloir innocenter, y compris en prenant des attitudes un peu provocantes ?

Je crois également qu’au sujet du rôle de la Défense, il y avait un passage important mentionné dans la fiche de Monsieur Amoussouga concernant la fameuse décision de juin 2006 sur le constat judiciaire d’existence du génocide et qui, peut-être aurait facilité votre travail si ce constat avait pu être fait auparavant. S’ajoutent également d’autres problèmes.

Quoi qu’il en soit, je souhaiterais donner la parole, avec son accord, à Madame Florida Mukeshimana qui a mentionné dans son papier un témoignage tout à fait intéressant. Je résumerais en disant : un témoin qui se retrouve pratiquement accusé. Mais je le résume en une phrase. Je souhaiterais donc que vous vous exprimiez sur cette question-là, Madame.