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contribution 04 - ARBIA Silvana

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Divulgation de la preuve

Silvana ARBIA

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Je m’excuse d’intervenir même si je ne suis pas dans la bonne session. Mais je voulais faire observer que concernant la preuve, la Poursuite y a effectivement un intérêt à plusieurs titres. Tout d’abord, mon expérience du TPIR a révélé que la Poursuite était une première manière d’évaluer la pertinence de la preuve, puisque la preuve, c’est seulement ce qu’on soumet aux Juges — la preuve du procès. Mais c’est à la Poursuite de décider de la présenter ou pas, c’est la Poursuite qui a le fardeau de la preuve.

Alors, est-ce que les juges d’un système comme le TPIR ne sont pas des Juges qui cherchent toute la vérité ? Les Juges doivent évaluer la pertinence de la preuve par rapport à un acte d’accusation Donc, c’est au Procureur de faire le nécessaire afin de rétablir la vérité à travers la présentation de telle ou telle preuve en en démontrant la pertinence.

Il y a aussi un autre choix à faire : est-ce que cette preuve doit être divulguée à la Défense ? C’est encore une autre stratégie du Procureur.

Alors, si la preuve est pertinente, c’est vrai, le Procureur décide : oui, je peux même essayer de demander aux Juges d’amender l’acte d’accusation. A ce stade-là donc, les stratégies de la Poursuite concernant l’évaluation de la pertinence sont compliquées.

Pour ce que j’ai dit avant, c’est-à-dire que dans le système du TPIR, on a pu observer que les Juges ne cherchent pas toute la vérité, ils cherchent la vérité de l’affaire qui leur est soumise. C’est donc une limitation du système. C’est un autre problème qu’on a expérimenté surtout sur les enquêtes financières dont la pertinence a été toujours difficile à démontrer.

Dans une thèse de l’accusation qui est surtout la thèse du complot, de la conspiration, c’était extrêmement intéressant cet aspect de la pertinence. Mais on n’a pas eu beaucoup de succès sur cet aspect. C’est vrai, ce que disait André qui a travaillé cet aspect, mais dans les procès devant le TPIR, cet aspect financier n’a pas été vraiment satisfaisant ni pour la Poursuite ni pour ceux qui ont travaillé dans cette enquête.

Je voudrais aussi faire observer un aspect particulier de la preuve. Dans le système du TPIR et du TPIY, le fardeau de la preuve incombe au Procureur. Le Procureur, à ma connaissance, n’a jamais eu un intérêt particulier à chercher la preuve à décharge. Ce qui est différente dans le système de la CPI. Sans vouloir faire de comparaison, mais comme étape de tribunaux spéciaux, la CPI est une étape qui a conduit à une évolution puisque dans le système de la CPI, le procureur devrait chercher aussi la preuve à décharge. Dans le système précédent, peut-être on l’a fait dans la pratique, mais institutionnellement il n’y avait pas vraiment d’intérêt à chercher la preuve à décharge.

Encore une fois, une recherche de la vérité très limitée donc dans le système du TPIR.

J.M. SOREL

Merci beaucoup pour ce témoignage important.

Effectivement, je peux simplement vous confirmer que du point de vue universitaire en général, le système de recherche de la preuve à charge et non pas à décharge par le procureur est quelque chose qui a souvent été critiqué, du fait de cette absence d’équilibre.

Si on résume ce que vous dites, la procédure consiste à rechercher la preuve à charge, puis à sélectionner, parmi ces preuves, celles qui pourraient aller dans le sens de la thèse de l’accusation. Ce processus, c’est vrai que a globalement posé le problème du rôle du Bureau du Procureur, c’est incontestable, du moins, du point de vue universitaire. Très généralement, c’est souvent ce qui a été souligné.

On en parlera peut-être tout à l’heure à propos du modèle procédural, mais je crois que la Cour pénale internationale a au moins, sur ce point-là, non pas « tiré la leçon », mais au moins a retenu ce problème de déséquilibre sans doute.

Est-ce que quelqu’un d’autre souhaite prendre la parole ? Oui, Madame Condé.