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contribution 07 - BECKY Sylvie

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Le témoin et la preuve - Protection des témoins vs Publicité des débats

Sylvie BECKY

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Merci, Professeur Sorel. Je suis Sylvie Becky, en charge de la Section d’assistance aux témoins et victimes au TPIR.

Nous avons la responsabilité première d’assurer l’acheminement des personnes à Arusha ou à La Haye en vue de leur témoignage devant le Tribunal. Cet acheminement se fait avec la coopération des États, parce que, comme vous le savez, le Tribunal n’a pas de territoire. Le TPIR a un accord avec l’État hôte qui est la Tanzanie qui nous assiste beaucoup dans nos opérations, mais ces témoins résident dans différents pays, y compris le Rwanda.

Ces témoins ont différents statuts. Certains sont des citoyens dans leur pays de résidence, c’est le cas d’un Rwandais qui réside au Rwanda. D’autres sont réfugiés dans d’autres pays, et beaucoup d’autres encore n’ont aucun statut légal vis-à-vis du pays où ils résident. La question importante qui se pose est de les amener à Arusha et surtout de les retourner dans leur pays de résidence. Nous avons donc le cas spécifique des clandestins qui ne sont déclarés devant aucune institution et devant aucun organisme étatique dans le pays où il réside.

Grâce à la coopération des États, nous avons pu obtenir des documents de voyage pour ces témoins afin qu’ils se déplacent de leur pays de résidence jusqu’à Arusha. Ensuite, ils y retournent peu importe leur statut. Nous avons réussi à faire venir des témoins qui ne sont que des demandeurs d’asile et qui, en temps normal, ne sont pas autorisés à quitter le nouveau pays de résidence sans interruption de leur procédure d’asile. Il s’agit là de quelques succès que nous avons pu avoir.

Nous avons aussi mis en place certaines mesures permettant à des témoins qui sont des parents résidants seuls avec leurs enfants mineurs de pouvoir se rendre à Arusha sans pour autant causer un problème quelconque à la vie des membres de leur famille.

Il est important ici de rendre un hommage à ces plus de 2 000 personnes qui se sont rendues à Arusha pour témoigner. Nous savons tous qu’il n’est pas facile de se rappeler des faits qui ont été terribles, qui nous ont blessés à un moment ou à un autre, mais les témoins le font dans l’intérêt de la justice.

Parmi les témoins, nous avons :

1) des victimes, y compris des victimes d’abus sexuels, certains témoins qui ont perdu des membres de leur famille mais qui acceptent de participer à l’œuvre de justice.

2) des témoins experts, rémunérés pour le service qu’ils rendent au Tribunal.

3) des témoins détenus, il s’agit d’individus qui sont en détention soit dans leur propre pays ou des détenus du Tribunal qui servent leur peine dans d’autres pays d’accueil.

Toutes ces personnes sont acheminées à Arusha afin de faciliter le travail des Juges, parce que sans témoin, à part les preuves documentaires, je ne sais pas trop ce qui pourrait se faire au Tribunal. D’où le rôle très important de ces témoins au Tribunal.

La Section d’assistance aux témoins et victimes a la responsabilité non seulement de donner un support logistique, administratif, judiciaire, psychologique, médical à tous ces témoins, mais aussi de pourvoir à leur sécurité. Un des grands défis que nous avons, c’est que nous n’avons pas de contrôle à cent pour cent sur ces personnes qui viennent d’un peu partout pour témoigner à Arusha et retournent dans leur pays de résidence.

Nous avons un bureau principal à Arusha et un sous-bureau à Kigali. D’où la grande limite de nos opérations. Cela ne nous a pas empêchés d’établir une relation de confiance avec les témoins, et au fil des années plusieurs témoins sont revenus à Arusha ou à La Haye aux fins de témoignage dans d’autres procès.

Certains des témoins qui ont été considérés comme vulnérables à l’issue d’une évaluation du risque sécuritaire auquel ils étaient soumis ont été relocalisés, qu’il s’agisse d’une relocalisation interne, consistant à déménager un témoin à l’intérieur du même pays, et toujours avec la coopération des États ; ou d’une réinstallation dans un pays tiers ayant permis à bien d’autres témoins, grâce à certains programmes spéciaux des Nations unies ou autres, d’être réinstallés dans d’autres pays où des conditions de sécurité étaient beaucoup plus propices à leur vie.

J’aimerais aussi insister sur l’établissement des documents de voyage et la nécessaire coopération des États. Je me rappelle que le Greffe a été dans le temps attaqué par certaines parties au motif que certains pays savaient que ces témoins devaient se rendre à Arusha. Quand on parle de coopération avec les États, il est important de souligner la souveraineté de ces États. Vous ne pouvez pas établir un document de voyage qui n’a aucune validité dans un autre pays que ce témoin devra traverser. Nous avons des témoins qui doivent voyager à partir de leur pays de résidence, traverser peut-être deux ou trois pays avant d’arriver en Tanzanie. D’où l’importance d’obtenir un document de voyage qui sera reconnu par ces différents pays jusqu’à ce que le témoin arrive à destination.

Certains des témoins ont été acheminés depuis le Rwanda. Comme dans tout autre pays, des contacts ont été établis avec les autorités étatiques, et des personnes ressources au niveau de ces différents gouvernements ont été désignées afin de diminuer la paperasse administrative pour la délivrance rapide du document de voyage pour être en mesure de mettre les témoins à la disposition de la Chambre. Ce faisant, il y a certaines informations qui ne peuvent pas passer inaperçues. Nous sommes obligés, par exemple, de donner le nom d’un témoin à un membre d’un gouvernement afin qu’un document de voyage soit délivré ; et en général, cette personne est le point de contact du Tribunal. Cette procédure prévaut dans tous les pays de résidence des témoins.

J.M. SOREL

Merci beaucoup pour ces informations très pratiques et très intéressantes. Je ne voudrais pas du tout ouvrir ce débat-là, mais entre le témoin expert et le témoin détenu, et j’allais dire le témoin alpha, on a peut-être là aussi un problème de confusion de témoignages.
Mais avant toute chose, je vois bien, mais j’ai un petit papier qui m’indique que Madame Dior Fall et James Stewart souhaitent prendre la parole. Donc, Madame Fall peut-être.