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, contribution 15 - Adama Dieng

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Adama DIENG

Merci, Monsieur le Président. Très rapidement pour dire que je regrette que mon ami Lurquin ait maintenu ses propos sachant qu’Everard O’donnell était en charge des dossiers de ces personnes acquittées. Il a déployé énormément d’efforts pour rendre leurs conditions de séjour à Arusha le plus agréable possible. Mais je crois tout simplement que, comme il a dit lui même, il a utilisé peut être des mots trop forts tout comme Everard, en utilisant la formule luxuriant. Je crois que c’était tout simplement pour faire un écho positif aux propos qui pourraient paraître négatifs prononcés par Lurquin.

Contrairement à ce qu’il dit, j’ai peut être une mauvaise mémoire, mais je ne pense pas avoir dit que leurs conditions de séjour étaient en deçà des normes de droit de l’homme. J’ai dit publiquement et je l’ai écrit également et publié que le sort qui est fait aujourd’hui aux personnes acquittées par le TPIR est inacceptable. Voilà des personnes qui ont été accusées des crimes les plus graves, qui n’ont pas été reconnues coupables et acquittées et qui devraient théoriquement retrouver une vie normale. Malheureusement, retrouver une vie normale au Rwanda n’est pas envisageable pour ces gens-là. Carla Del Ponte ne me contredira pas, certains de ses accusés à La Haye qui ont été acquittés ont été accueillis comme des héros dans leur pays d’origine. Ceci ne sera malheureusement pas le cas pour ceux qui ont été acquittés par le TPIR.

Il a donné l’exemple de Bagambiki. Nous avons déployé toutes sortes d’efforts possibles auprès de maints gouvernements, essentiellement auprès du gouvernement belge. Fort heureusement sa famille y était, fort heureusement il y a eu la procédure de family reunion, qui finalement a abouti après trois ans.

Mais je crois que ce qu’il importe de retenir, c’est que les États qui ont créé ces tribunaux n’ont pas pensé à la possibilité d’acquittement. Ce qui fait que lorsque le premier acquittement a eu lieu, celui de Bagilishema, l’intervention de mon ami Stephen Hessel, à qui je rends hommage et qui est quelque part un acteur dans l’ombre, a été décisive. Il nous a aidés avec Louis Joinet et tant d’autres à Paris pour obtenir l’asile à Bagilishema. Depuis, nous avons pu régler certains des autres dossiers grâce à la présence de membres de leur famille dans le pays d’accueil. Un des acquittés a pu également bénéficier d’une family reunion.

Mais le problème demeure entier en ce qui concerne Ntagerura et Kabiligi, le dernier à avoir été acquitté. Je l’ai dit et je le répète, il y a un problème de rule of law. Mais un problème de droit de l’homme se pose aussi lorsque des personnes acquittées, qui ont été jugées non coupables sont maintenues dans ce que je nomme une « quasi détention ». J’ai eu à louer au départ une maison pour ces personnes acquittées alors qu’il n’y avait pas de ressources budgétaires allouées pour le faire, mais c’est parce qu’on avait le souci à la fois d’accueillir ces acquittés mais aussi de veiller à leur sécurité.

Tenez-vous bien, il a fallu également mettre des agents de sécurité à la porte de cette maison. Donc c’est dire que sur ce dossier des acquittés, je tiens à féliciter le greffier adjoint et toute son équipe pour tout ce qu’ils ont fait et continuent à faire pour ces personnes acquittées. Il a bien raison, si Ntagerura avait accepté de retourner dans ce pays-là même où il a été arrêté, le Cameroun, je suis sûr que cela aurait été réalisé. Mais il insiste pour aller dans un pays occidental. Or, comme vous le savez, ça n’est pas facile. N’oublions pas qu’il est également ancien ministre de ce gouvernement intérimaire. Or, vous savez qu’il y a les législations nationales, que ce soit aux États Unis ou au Canada, comportant des restrictions. Et même le Haut Commissariat pour les réfugiés — je renvoie à l’article 1 f) de la convention de 51- qui rend extrêmement difficile la gestion de ce type de dossiers. Et ce type de dossiers, nous avons tous intérêt à ce qu’il soit réglé.

Je l’ai rappelé à mon amie Silvana Arbia à notre récente réunion la semaine dernière des greffiers, c’est un problème qui pourrait se poser demain à la Cour pénale internationale. Imaginez que demain, un des accusés de RDC soit libéré, peut être que cette personne ne souhaiterait pas retourner dans son pays.

C’est pour dire tout simplement que c’est une question importante qu’il faut observer sous l’angle de la primauté du droit et sous l’angle des droits de l’homme et qu’une solution rapide y soit trouvée. Merci.