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, contribution 22 - André-Michel Essoungou

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André-Michel ESSOUNGOU

Juste pour préciser une chose.
D’abord, pour le journaliste que j’ai été, couvrant ce TPIR, il est fascinant de se retrouver ici cinq années plus tard et retrouver le même débat. Ce débat a en effet eu lieu à l’occasion de tellement de procès qu’on a presque l’impression de vivre un film qu’on a déjà vu.

Pour compléter la question Thierry Cruvellier, parce que c’est ce que nous faisons habituellement, ce serait bien que les Procureurs prennent la parole. En même temps, j’ai un doute : sommes-nous dans la bonne salle avec les bons acteurs pour répondre à cette grande question — qui peut être même une très petite question — de savoir ce qu’a fait la politique. La politique a-t-elle empêché ? Certains soutiennent que oui, certains soutiennent que non. Mais ce Tribunal a été créé par le Conseil de sécurité des Nations Unies qui, dans sa résolution, lui impose un certain nombre de limites. Ces limites sont elles-mêmes la conséquence d’un débat politique. Les éléments du débat au Conseil de sécurité qui décident de la limite du Tribunal sont publics. C’est un débat, autant que je m’en souvienne puisque j’ai travaillé dessus, entre l’Ambassadeur français Jean-Bernard Mérimée et l’Ambassadeur rwandais. Derrière ce débat, on lit un affrontement politique qui date, pour ces deux acteurs précisément, depuis au moins 1990.

Je m’étonne donc qu’on s’étonne de ce que ce Tribunal soit politique ou l’objet d’enjeux politiques. Il l’a été, il n’a été que cela, il l’a été dès le départ. Dans quelle mesure les Procureurs ont été influencés par cela, on le sait en partie. Ce serait bien qu’ils nous en disent plus, comme Madame Del Ponte l’a fait/ Mais il me semble qu’il n’y a guère de surprises. Le fait que les crimes du FPR n’aient pas fait l’objet d’enquête peut susciter une grande déception, mais ce n’est pas surprenant. Dès le départ, ce Tribunal, était l’objet d’enjeux politiques et de bagarres politiques. Au fur et à mesure, il l’est davantage encore.

Je n’ai pas l’ambition de me faire l’avocat du Rwanda ici, mais on oublie très souvent que ce Tribunal n’a pas été mis sur pied par le Rwanda, qui a voté contre. Ceux qu’ils l’ont mis sur pied ont laissé leurs traces politiques, eux aussi. Ceux-là, pour certains, ont d’ailleurs refusé de collaborer avec le Tribunal dans une certaine mesure.

Ce débat m’étonne bien que je croie que c’est un bel héritage de ce Tribunal d’avoir donné un espace pour un tel débat. Si les Procureurs pouvaient nous en dire plus, s’ils pouvaient même nous dévoiler des choses qu’on ne sait pas sur des discussions d’alcôve, en plus de Washington et d’autres, ce serait intéressant mais il faudrait appliquer la règle Chatham House Rule. Ce serait très intéressant parce que là, enfin, peut-être que nous saurions. Merci.