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contribution 17 - JALLOW Hassan Bubacar

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Affaire Kabgayi - L’avion - Stratégie d’Achèvement - Transferts

Hassan Bubacar JALLOW

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Monsieur le Président, je vais réagir à quelques questions qui ont été évoquées, notamment la stratégie de fin de mandat. Il y a des enseignements que nous pouvons tirer de la manière dont le processus s’est déroulé jusqu’à présent. Le premier est que cette stratégie est peut-être venue trop tard. Hier, dans les discussions, nous avons dit qu’il était nécessaire dans le cadre d’une action particulière de déterminer les objectifs qu’on veut atteindre et le temps que l’on se fixe pour y parvenir. Dans ce sens, je considère que la stratégie d’achèvement est utile dans la mesure où elle est envisagée suffisamment tôt.

Bien entendu, ce n’est plus un enseignement pour nous, mais cela demeure pertinent pour la CPI. Comme structure permanente, elle aura à s’occuper de situations diverses. Et lorsqu’elle elle commencera à s’occuper de situations, que ce soient au Congo, en République Centrafricaine, etc., il faudrait qu’elle détermine les objectifs qu’elle souhaite atteindre et qu’elle établisse son calendrier d’intervention et le moment souhaité du retrait car elle ne peut pas s’occuper de ces situations pour toujours. Je pense donc que cet enseignement est pertinent.

L’autre élément concernant cette stratégie est que nous avons dû la réviser régulièrement et reporter les dates. Nous sommes allés devant le Conseil de sécurité pour reporter l’agenda. Et comme il a déjà été souligné, l’initiative est venue des Tribunaux, les dates ont été proposées par les Tribunaux. Le deuxième enseignement que nous devons tirer de cela, c’est que lorsqu’on évalue les objectifs ou le calendrier d’exécution de ces objectifs, il faudrait que nous ayons une approche suivie et une approche très claire. Nous sommes allés deux fois devant Le Conseil de sécurité pour demander la modification des calendriers. Cela peut entraîner certaines lassitudes de la part des États et, à ce moment, les États peuvent avoir l’impression qu’on cherche tout simplement à allonger le processus. Il est donc important lorsque vous élaborez une stratégie d’achèvement et que vous en fixer l’agenda, d’être aussi objectif et franc que possible et de ne pas faire preuve d’optimisme excessif. S’il vous faut cinq ans pour terminer notre travail, il faut demander cinq ans. Si c’est dix ans, il faut le dire.

En ce qui concerne les renvois devant les juridictions nationales, une question a été posée quant à savoir si nous avons toujours cela dans notre programme. Oui, cela fait toujours partie de notre programme. Le renvoi des affaires devant les juridictions rwandaises ou devant d’autres juridictions est très important pour la stratégie de fin de mandat. Jusqu’à présent, nous n’avons réussi qu’à renvoyer deux cas en France. Il y a une autre juridiction européenne qui s’intéresse à cela, mais aucun pays africain ne s’y intéresse, il n’y a que le Rwanda qui a manifesté son intérêt.

Les obstacles juridiques aux renvois, tel que la Chambre d’appel les a identifiés, sont de trois ordres. La Chambre d’appel a exprimé son inquiétude par rapport au fait que le programmes de protection des témoins soit installé au Rwanda au sein du Bureau du Procureur général, avançant que les témoins de la défense auraient du mal à accéder ou à solliciter les services de protection. Cela susciterait donc une difficulté en matière de protection des témoins de la Défense. Ensuite, une inquiétude a été exprimée au sujet du refus possible de certains témoins de la défense de se rendre au Rwanda pour témoigner du fait de l’existence d’une certaine peur. Enfin, le troisième obstacle mentionné renvoyait à la préoccupation que les personnes transférées, jugées et condamnées soient emprisonnées en isolement, comme le prévoit la législation rwandaise.

Récemment le Rwanda a introduit des modifications dans sa législation afin de prendre en compte ces trois exigences. Nous sommes satisfaits de constater que, sur le plan juridique, ces modifications répondent aux inquiétudes soulevées par les Juges. Le nouveau programme de protection des témoins que le Rwanda se propose de mettre en place demeure encore à établir. Il doit encore être installé et rendu opérationnel. C’est là l’une des conditions qui doivent être satisfaites avant que nous ne fassions de nouvelles demandes de renvoi d’affaires aux Juges du TPIR. Divers pays ont manifesté un intérêt pour apporter assistance au Rwanda sur ce point. À cet égard, nous pensons que vers le troisième trimestre ou vers la fin de cette année, il y aura un programme de protection des témoins en place au Rwanda, géré par le système judiciaire du Rwanda et non pas par le procureur et doté des moyens techniques nécessaires. C’est une possibilité. Si cela se concrétise, cela permettra au Procureur de faire de nouvelles demandes pour que des affaires soient transférées ou renvoyées devant les juridictions rwandaises vers la fin de l’année.

En ce qui concerne l’affaire de l’avion, je ne pense pas que mon collègue et moi-même puissions régler ce problème ici. Il a avancé des désaccords par rapport aux points de vue adoptés par les différents procureurs. Vous pouvez m’adresser vos préoccupations et nous vous ferons parvenir une réponse détaillant le mécanisme par lequel nous sommes parvenus à conclure que cette affaire ne relevait pas du mandait du Tribunal.

Cependant, il n’est pas juste de dire que nos services d’enquête n’ont fait qu’ « une ou deux petites missions » seulement. C’est une mauvaise évaluation. Ils ont fait un travail remarquable. Comme vous avez dit, le travail de cette unité a été suspendu pendant plusieurs années et lorsque je suis arrivé en 2003, il n’y avait pas d’enquêtes en cours. Ce n’est qu’en 2004 que l’on a repris les travaux dans ce domaine, mais il y a une cellule en place particulièrement active.

Maintenant, pour ce qui est du problème de compétence, nous n’avons pas de compétence sur les personnes morales pour répondre à Mme Mukesimana. Notre mandat nous autorise à poursuivre des individus suspectés d’avoir commis cas graves infractions. Par conséquent, nous nous n’avons pas enquêtés sur l’implication de personnes morales ou d’États ou d’autres personnes qui ne relèveraient pas de notre mandat.

Enfin, s’agissant du FPR, je dois dire que nous sommes disposés à collaborer comme nous le sommes sur tout autre élément qui relèverait de notre juridiction, que ce soit en termes d’enquête ou de poursuite. Mais nous aimerions le faire dans le cadre d’un processus honnête et transparent. Je suis très surpris qu’on me dise maintenant que nous n’avons pas de cellule d’enquêtes parce qu’il n’y a pas de budget pour cela. Cela n’est pas vrai, nous avons un important budget pour la division des enquêtes. Le personnel est en place. Je me demande comment nous pourrions avoir ce personnel en place s’il n’y avait pas de budget ? Le personnel est à Arusha. Il y a des enquêteurs qui sont à Kigali mais ils ne s’occupent pas de ce dossier particulier. Mais les personnes qui s’occupent de cette question se trouvent à Arusha. Et bien entendu il y a un budget existe. Vous pouvez le vérifier, c’est un document qui a été rendu public. Vous verrez qu’il y a des fonds prévus pour financer cette cellule spéciale, ainsi que l’ensemble des enquêteurs.

Ensuite, nous n’avons pas reçu d’éléments de preuve de Human Rights Watch concernant cet incident en particulier. Je me souviens que j’ai eu des discussions avec certains de vos représentants et tout ce nous avons reçu de votre part était votre propre perception des éléments de preuve disponible, éléments que nous avons recueillis nous-mêmes. Ce n’était que votre interprétation de ces éléments. Bien entendu, nous ne sommes par liés par cette interprétation. Les Juges non plus ne sont pas liés par cette interprétation. Mais nous n’avons reçu aucun élément de preuve de votre part.

Dans votre lettre du 29 mai, je crois, vous n’avez même pas fourni des détails sur ce qui vous amenait à penser que le procès ne s’était pas déroulé normalement, à part que vous le considériez comme un simulacre politique. Et j’ai écrit à Human Rights Watch pour vous demander de donner les raisons qui vous conduisaient à penser que c’était un simulacre politique. Je n’ai toujours pas reçu de réponse. Je suis donc surpris des développements que vous faites au cours de cette conférence alors que vous ne nous avez fourni aucun élément de preuve sur ces questions. Vous nous avez seulement donné votre perception des faits, votre interprétation des faits. Elle diffère en effet de celles du Bureau du Procureur, mais nous ne sommes pas liés par votre interprétation.

C’est important. Si nous collaborons avec des organismes et des personnes, nous devrons le faire sur la base de l’honnêteté. Il est très difficile pour nous travailler avec des collaborateurs qui ne sont pas honnêtes ou que cherchent à promouvoir des agendas qui ne sont pas les nôtres et qui consistent à faire en sorte que la justice soit rendue. Je vous remercie.

Andrew CLAPHAM

Merci. J’ai la permission je pense des rapporteurs et du Pr. Chetail pour clore la séance maintenant et décaler les synthèses universitaires à la session de cet après-midi. Cela permettra de lancer les débats académiques cet après-midi et laisser la place à un débat structuré. Je clore donc la session et je vais tout simplement vous demander de vous joindre à moi pour remercier les Procureurs pour leur contribution très franche.

(Suspension de la séance : 12 h 05)