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contribution 06 - MUNA Bernard Acho

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Civil law vs Common law - Poursuites contre le FPR - Stratégies de la poursuite

Bernard MUNA

version traduite

Je vais commencer par faire un commentaire sur ce que dit mon ami Reyntjens. Je ne pense pas que
le Tribunal a été créé pour être un arbitre entre le gouvernement du Rwanda et le FPR. Si nous avons l’impartialité en tête, le Tribunal n’était pas censé être un arbitre entre les deux factions en guerre au Rwanda. Mon ami Reyntjens a évoqué cette idée d’impartialité. Je crois que la tâche du Tribunal consistait à amener des gens qui avaient commis le génocide à se présenter en justice et à les juger sans parti-pris. Je crois que c’est le principe qui est retenu dans tous les tribunaux. Lorsque les crimes sont commis, on juge certains, on ne juge pas d’autres. C’est mon impression, en tout cas. Parce que chercher à évaluer la validité de ce Tribunal uniquement si cela correspond au point de vue de certaines personnes, ce serait déjà une grave injustice vis-à-vis de ceux qui ont conduit le Tribunal au stade où il se trouve aujourd’hui. Ce Tribunal, aujourd’hui, a pu respecter des normes qui sont reconnues sur le plan international. Et la valeur qu’on accorde aux travaux du Tribunal ne dépend pas du fait que tout le monde soit d’accord là-dessus. Je ne pense pas qu’on avait créé ce Tribunal pour faire plaisir à Human Rights Watch ou à Amnesty international, le Tribunal a été créé pour rendre justice. Et lorsque vous rendez justice, effectivement, il y a certaines personnes qui ont un programme caché, qui ne trouvent aucun intérêt à cela.

Je crois qu’en toute équité, il faudrait reconnaître le travail que le Tribunal a abattu. Et si on voudrait évaluer cela à travers le prisme d’une certaine impartialité ou d’une certaine partialité entre les deux factions en guerre au Rwanda, ce n’était pas là le but de la création du Tribunal.

Mon camarade, mon ami Othman a parlé des « petits poissons » et des « gros poissons ». Je voudrais à cet égard revenir sur ce qu’il a dit au sujet des « gros poissons » ou comment nous avons pris
les « gros poissons ». Le caractère unique du génocide au Rwanda, c’est-à-dire des crimes contre l’humanité était lié au fait qu’il y avait un gouvernement. Ce n’était pas comme en ex-Yougoslavie où vous avez différents groupes qui se battaient pour l’indépendance. Non. Au Rwanda, il y avait un gouvernement qui était là, il y avait la police, la gendarmerie, l’armée qui ont participé à ce génocide.

Ce qui est regrettable, c’est que nous sommes allés dans ce pays comme si nous allions chercher
des criminels sans chercher à comprendre ce qui s’était passé. Que faisaient les policiers ? Que faisaient les gendarmes ? Que faisaient les membres du gouvernement ? Et c’est pour cela que nous avons dû redéfinir la thèse de l’entente, parce que nous avons constaté que les membres du gouvernement avaient des réunions du Conseil des ministres, les membres du gouvernement avaient invité certains bourgmestres comme celui de Ruhengeri à venir participer, par exemple, à une réunion du Conseil des ministres, puis, ils sont repartis commettre des meurtres. Donc, lorsque le génocide s’est produit, il y avait un gouvernement en place, ce n’est pas quelque chose qui est arrivé entre
deux groupes simplement, il y a tout un gouvernement qui a participé à un processus.

Donc, après mon passage ou mon séjour au Rwanda, j’ai pensé qu’au Tribunal, nous avons pris le train en marche, parce que nous sommes entrés dans une situation qui aurait dû être précédée par des enquêtes précises. Et dans le cadre de ces enquêtes, nous aurions mis au point des noms, des actes commis par le gouvernement etc. Donc, la thèse du « gros poisson » a découlé de cette stratégie que nous avons mise au point.

Le troisième point que je voudrais évoquer est le suivant : le gouvernement rwandais poursuit une politique, une politique pénale. C’est de la politique et donc ils mènent leur politique pénale selon cette politique pénale. Chaque gouvernement à ce que je sache a une politique. Comment gérez-vous des poursuites pénales initiées par un ministère ? Ce n’est pas indépendant. Quand quand quelque chose ne marche pas correctement, on se retourne vers les ministres de la justice. Ils se demandent ce qui s’est passé ? Ils ne demandent pas aux juges alors que les criminels se déplacent librement. Il y a les ministres de la justice.

La plupart des gouvernements sont dotés d’un ministère de la justice qui définit la politique. Au Tribunal, nous avions l’avantage d’avoir l’ONU derrière nous qui définissait notre politique qui justifiait la raison pour laquelle le Tribunal avait été institué.

J.P. GETTI

Il y a des points qui reviennent à différentes occasions mais sous différentes formes, notamment à la suite de l’intervention de Monsieur Reyntjens. Vous posez ainsi la question suivante : Quelle est la part d’indépendance du Tribunal pour définir sa politique criminelle ? Qu’est-ce qu’il a comme moyen, comme pouvoir pour véritablement arrêter les objectifs qui lui semblent être ceux de la justice conformément au Statut ? Quels sont selon vous les moyens et les méthodes pour y parvenir ? Si on pouvait essayer de raccourcir les différentes interventions, s’il vous plaît.

Bernard MUNA

Je serai bref. Je voulais juste dire que dans les Tribunaux des Nations Unies nous disposions au moins d’un résolution qui nous indiquait les buts à atteindre.

Un autre point que soulève la question des enquêtes au sein des Tribunaux onusiens. Une des grandes difficultés est d’être en mesure d’avoir des policiers venus des quatre coins du monde et de penser qu’ils peuvent travailler en harmonie. Cela nous a donné beaucoup de problèmes.

Enfin, le dernier point que je voudrais évoquer pour être bref, comme je l’ai dit, c’est que j’ai l’impression que le système de droit romain ou de civil law aurait été mieux pour instruire ce type de crimes.

Je pense qu’un tel système aurait fait entendre davantage de personnes et peut-être condamner un plus grand nombre de personnes. Et vous constaterez qu’on a insisté sur le système accusatoire qui nous a amenés à juger un certain nombre de personnes par contumace parce que c’est un obstacle dans notre système, parce que cela ne peut pas permettre le système de guérison sociale que l’on souhaitait, parce qu’aujourd’hui, 15 ans après les faits, on ne sait pas si certaines personnes sont encore en vie. Donc, le fait qu’on ait utilisé ce système n’a pas permis d’avancer comme on l’aurait souhaité.

Je vous remercie.

J.P. GETTI

Monsieur Prosper, vous avez la parole, s’il vous plaît.