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contribution 06 - MUNA Bernard Acho

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Politique & Justice - Procès in absentia - Stratégie d’Achèvement

Bernard MUNA

version traduite

Merci, Monsieur le Président. Je ne pense pas que l’expression « stratégie de fin de mandat » soit à même de décrire véritablement ce que nous sommes obligés de faire, non seulement sous la pression des discussions, mais aussi plus radicalement sous la pression de la commission budgétaire des Nations Unie. Il fut plutôt question de « stratégie de cessation » que de « stratégie d’achèvement ».

Une stratégie d’achèvement implique l’achèvement du travail entrepris. Je ne pense que ce soit ce qu’on a demandé aux Tribunaux. On leur a plutôt dit : « Maintenant ça suffit. Nous les politiciens vous disent qu’il faut savoir s’arrêter au bout d’un moment ». Ils ont alors élaboré quelque chose d’acceptable conduisant à la fermeture. Lorsque nous parlons de l’indépendance des tribunaux, il faut reconnaitre que les décisions importantes sont prises par les pouvoirs politiques. Il est nécessaire je crois de nous défaire de l’illusion que notre indépendance consiste à décider de rendre ou non la justice. Nous ne sommes probablement indépendants que lorsque nous sommes en cour. En fin de compte, les pouvoirs politiques nous disent quand commencer, nous financent et nous disent quand nous arrêter. Et si nous ne voulons pas arrêter, ils coupent le financement sans que nous ne puissions y faire grand chose.

C’est la réalité de la situation. Au Tribunal, nous ne devons pas nous bercer de l’illusion que notre indépendance va jusqu’à nous permettre de rendre la justice comme nous pensons devoir la rendre. Parce que en définitive, concernant la situation rwandaise, comme l’a dit Mme l’Ambassadrice Del Ponte, ne juger qu’une partie, ce n’est pas ça la justice.

Et je ne parle pas seulement de juger du distinguo entre les gens du FPR et des FAR, mais plus largement de la distinction entre ceux des FAR qui sont jugés et ceux qui ne le sont pas, et aussi ceux du FPR. Nous n’avons pas fait notre travail et je crois que cela va à l’encontre du processus de réconciliation. Cette stratégie de « cessation » n’avait donc rien à voir avec ce que nous voulions faire. Je voulais juste le mentionner.

Andrew CLAPHAM

Merci. Mr Eboe-Osuji voudrait intervenir.

Chile EBOE-OSUJI

Merci, Monsieur le Président. Ma question s’adresse aux deux Ambassadeurs qui sont aussi d’anciens procureurs. Après avoir réalisé que la stratégie d’achèvement a pu être une erreur, ou ait eu des conséquences inattendues, comment alors rattraper les choses à l’heure actuelle ?

Andrew CLAPHAM

Je vais donner la possibilité aux deux Procureurs d’intervenir à la fin de la séance plutôt que de faire un jeu de questions réponses. Mais toujours au sujet de la stratégie d’achèvement, le Procureur a mentionné que la majeure partie de la preuve était orale et que peut être à court terme il faudrait envisager les procès par contumace. Est-ce qu’il y a des participants qui voudraient réagir à cette proposition ou alors, est-ce que nous allons laisser cette question en suspens ? Maître Muna à nouveau.

Bernard MUNA

Dans le cas du Tribunal pour le Rwanda, l’un des objectifs de la création de ce Tribunal était la réconciliation. Or je pense que cette absence de procès par contumaces empêche non seulement la société rwandaise, mais aussi les victimes, d’aboutir à un dénouement. Les procès par contumace auraient contribué au processus de guérison. Les affaires auraient été entendues, la société rwandaise aurait pu savoir que ces personnes étaient responsables, les victimes auraient pu témoigner. Cela aurait permis au moins partiellement d’achever un processus.

Au contraire, l’absence de procès par contumace a laissé les choses en suspens. Même aujourd’hui, les témoins sont-ils encore vivants ? Certains sont décédés, d’autres sont fatigués et découragés : des témoignages entendues il y a près de 15 ans et toujours rien ne n’est passé. Cette absence de procès par contumace a nuit au Tribunal, tout au moins à sa stratégie en faveur de la réconciliation.

Andrew CLAPHAM

Merci. Je donne la parole à Maître Biju-Duval.