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contribution 20 - CRUVELLIER Thierry

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Poursuites contre le FPR

Thierry CRUVELLIER

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Nous, les journalistes, sommes habitués normalement à titiller un peu tout le
monde. J’avoue que je vais me donner un plaisir un peu différent. Je vais dire aussi merci à Madame Del Ponte et à Monsieur Roux précisément pour ce qui vient d’être dit.

Je crois que votre intervention nous permet de réhabiliter ce problème énorme auquel tous ces tribunaux sont et seront toujours confrontés : ils vivent dans un environnement politique. Ça, c’est essentiel.

Je crois que, Don, tu ne nous aides pas. Si on continue à justifier des échecs ou des problèmes sur des questions de compétence juridique ou de débat civil law/common law, ce n’est évidemment pas ça.

Réhabilitons donc le politique et essayons de comprendre ce que le Tribunal pour le Rwanda, du coup, nous apprend. C’est dans cette direction que nous pouvons aller un peu plus loin. C’est bien de le reconnaître, c’est bien d’aboutir à une leçon d’humilité, mais que pouvons-nous apprendre pour la suite ?

J’aimerais essayer de mieux comprendre pourquoi, que ce soit Monsieur Goldstone, Madame Arbour, Madame Del Ponte ou Monsieur Jallow, vous avez pris des options parfois différentes mais, au bout du compte, vous avez tous échoué. Pourquoi ? Est-ce qu’on peut arriver à une explication plus fine et une analyse plus fine de la raison de cet échec au TPIR, qui n’a pas forcément été l’échec des autres tribunaux ? Pourquoi cette impossibilité de poursuivre toutes les parties à un conflit ?

Est-ce que c’est parce que vous n’avez jamais eu le soutien politique, justement, du Conseil de sécurité, de l’ONU ou des grandes puissances et que, sans ce soutien finalement, vous vous êtes avérés incapables d’aller plus loin ? C’est sûrement un des facteurs, mais vous en connaissez peut-être d’autres.

Dans d’autres discussions, nous évoquions un autre facteur. : est-ce le fait que vous traitiez justement d’un génocide et que ça vous a davantage bloqués que les autres tribunaux qui n’avaient pas à faire à ce crime si spécifique ? Bien qu’il ait été jugé que Srebrenica était un génocide, honnêtement, on voit bien qu’il y avait une énorme différence. Donc, est-ce aussi un facteur ? Est-ce que, quand on est en face de ce crime spécifique, on est beaucoup plus vulnérable et beaucoup plus incapable de remplir un mandat complet ? Je ne sais pas. J’observe qu’au Cambodge, même si pour des questions juridiques certains peuvent contester que c’est un génocide, il est quand même ressenti comme tel, on ne juge qu’une seule partie et personne ne se pose la question réellement. Est-ce aussi un des autres facteurs ?

Ce qui m’intéresserait, si le Tribunal doit nous apporter des leçons, c’est de comprendre pourquoi cet échec. Comment arrive-t-on à l’expliquer davantage ? Qu’est-ce qui vous a empêché de le faire ? Y compris quand certains de vos confrères ont décidé de ne rien tenter, pourquoi ?

Il serait donc très intéressant d’aller un peu plus loin et de dépasser la polémique. Si vous pouviez aller plus loin dans cette direction,Monsieur Jallow ou Madame Del Ponte, cela nous aiderait beaucoup.

Un petit commentaire sur ce que j’ai entendu depuis le début sur cette question de l’absence de police internationale. Il me semble qu’il faut, au contraire, se réjouir du bilan du TPIR et des autres tribunaux internationaux. Aucun d’entre eux n’a de police internationale et tous ont pu fonctionner. Finalement, il me semble que la leçon est inverse. Bien sûr, il y a un ou deux individus que vous n’arrivez pas à avoir, mais la leçon est inverse. La leçon est plutôt réjouissante, pour une fois : sans police internationale, vous avez pu fonctionner.

Je pense que, là aussi, on maintient un peu des mythes ou des idées toutes faites selon lesquelles l’absence de police internationale aurait été un blocage pour les tribunaux internationaux. Non, je ne crois pas. En tout cas, il ne me semble pas que les faits le démontrent. Merci.

J.P GETTI

Merci. Madame Condé, vous vouliez prendre la parole.