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contribution 23 - VANDERMEERSCH Damien

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Bilan du TPIR - Politique & Justice - Poursuites contre le FPR

Damien VANDERMEERSCH

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Juste un petit mot pour embrayer sur ce qui vient d’être dit à propos des explications qu’on peut donner au fait qu’il faut reconnaître que le TPIR n’a jugé que les vaincus. Ce n’est pas l’apanage, d’ailleurs, du TPIR. Quand on voit la CPI, j’attends toujours le jour où la CPI s’en prendra à des vainqueurs, ça risque d’être une autre paire de manches.

Je pense qu’il faut reconnaître qu’on est au Moyen âge de la justice internationale. Nous n’en sommes qu’à un embryon de justice. On appelle déjà cela de la justice : je crois que c’est plutôt un début de justice comme celle qu’on avait au Moyen âge. Tant que le problème de la séparation des pouvoirs ne sera pas réglé au niveau international et tant que l’international est régi par des relations de pouvoir, je crois que la justice aura beaucoup de difficultés à aller à l’encontre de la volonté politique majoritaire, ou plutôt à l’encontre de celle des plus forts.

Mais je pense qu’il faut quand même reconnaître, dans le bilan, qu’on a peut-être manqué une occasion. On a peut-être manqué l’occasion d’une épreuve de force entre, d’une part, la justice et peut-être le politique ou certains du politique qui ne voulaient pas qu’on fasse des enquêtes concernant un gouvernement en place qui, lui, ne voulait pas du tout de ces enquêtes.

Je pense que la justice devra un jour avoir cette épreuve de force vis-à-vis du politique. Je ne suis pas sûr que le Tribunal ne serait pas sorti vainqueur de cette épreuve de force. On le sait très bien : on a menacé de fermer le bureau à Kigali, on a appliqué la menace en disant au TPIR : « On va vous bloquer tous les témoins. » Eh bien, je crois que le Tribunal ou le Procureur aurait pu très bien répondre : « Eh bien, alors on ferme le Tribunal parce que nous ne pouvons pas agir en toute indépendance comme on devrait le faire. » On aurait peut-être eu la vraie épreuve de force à laquelle la justice va tôt ou tard être confrontée. On a peut-être manqué cette occasion. Je ne suis pas sûr que l’ensemble de la communauté internationale aurait opté pour défendre la position rwandaise et n’aurait pas plutôt défendu le TPIR. Les rapports de force auraient alors joué dans l’autre sens pour forcer le Rwanda à accepter, à mon sens, ces enquêtes spéciales.

Ce rapport de force et cette épreuve de force étaient, pour moi, nécessaires, même si l’on connaît toute la force d’inertie sur le terrain. Même si par l’épreuve de force on aurait obtenu l’accord des autorités rwandaises pour les enquêtes spéciales, je reconnais qu’en termes de justice, on sait très bien que des gens peuvent vous dire « oui, oui, » devant vous, mais que la force d’inertie sur le terrain peut lever des obstacles inestimables, rendant des procès tout à fait impossibles. Mais je crois que cette épreuve de force était peut-être une occasion, précisément, pour marquer une justice plus indépendante.

J.P. GETTI

Merci. Monsieur Prosper, vous vouliez faire une rapide intervention.