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contribution 15 - WEBSTER DON

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L’avion - Poursuites contre le FPR - Stratégies de la poursuite

Don WEBSTER

version traduite

Don Webster du Bureau du Procureur.

Je souhaiterais remercier Madame Del Ponte pour sa réponse, j’allais dire la même chose, à savoir que nous avons essayé de faire la distinction entre les petits et les gros poissons. Lorsque nous avons commencé le Tribunal en 95, il nous fallait commencer avec tout ce qui était disponible, que ce soit des petits ou des gros poissons, tout ce qui pouvait permettre le début des opérations était sain. Et c’est par bonheur qu’Akayesu est tombé entre nos mains, et c’est ainsi que l’on a pu commencer les procès et les enquêtes sur le Rwanda.

Quinze ans après, nous avons beaucoup plus d’appréciation et de gratitude, j’allais dire, pour Akayesu, car c’était un bourgmestre et il était en contact avec ceux qui avaient commis les crimes sur le terrain. Il se trouvait à Gitarama et il était à une réunion le 18, à Gitarama, qui a réuni toutes les autorités locales. Donc, sans Akayesu, on n’aurait pas pu commencer et poursuivre avec des procès plus importants.

Joseph Nzirorera a été arrêté en 1996 au Cameroun. Il a été libéré parce que personne ne le connaissait, on ne savait pas ce qu’il avait fait.

C’est à cette même époque que Bagosora et Semanza ont été arrêtés. Bagosora était au milieu de cette guerre entre le Rwanda, la Belgique et le TPIR, car on essayait de savoir à qui reviendrait la responsabilité de poursuivre Bagosora.

Si l’on avait commencé par Bagosora, je ne sais pas où cela nous aurait mené. Heureusement qu’il y a eu Akayesu qui nous a permis de commencer avec un cas, j’allais dire, beaucoup plus simple. Autrement, l’on n’aurait jamais pu rendre la justice.

Lorsque l’on regarde le TPIY — je ne connais pas bien les organes du TPIY —, Tadic était une bonne affaire pour commencer car il a y a eu une entreprise criminelle commune qui a été utilisée, et cela suite à un arrêt de la Chambre d’appel. Si nous n’avions pas eu le cas Tadic et la jurisprudence de Tadic, on n’aurait jamais pu poursuivre les dirigeants nationaux.

Je pense que, de notre côté, ça a été une bonne chose d’avoir commencé avec Akayesu, et pour le TPIY, avec Tadic.

Mais je ne vois pas ce distinguo que l’on veut faire entre les gros et les petits poissons. Je pense que cela n’a pas de sens. Cela dépend de ce que l’on a entre les mains.

Maître Lurquin, je comprends vos observations concernant le procès Cyangugu, mais du point de vue du Bureau du Procureur, il ne s’agit pas tout simplement d’enquêter sur des suspects qui ont fait de mauvaises choses et les poursuivre. Non. Nous avons essayé également de prouver à la communauté internationale et au peuple rwandais ce qui s’est réellement passé au Rwanda.

Donc, lorsque vous examinez le cas de Cyangugu, oui, il y avait un ministre, un bourgmestre, des dirigeants ou un dirigeant des Interahamwe ; il y avait donc quatre ou cinq personnes. C’était un choix délibéré, car ce n’était pas juste le fait de tenir des suspects pénalement responsables, mais plutôt de faire la démonstration de ce qui s’est passé au Rwanda.

D’où la tension au niveau du procès car l’accusé a des droits, il faut établir la responsabilité pénale individuelle. Mais il nous a fallu aller bien au-delà pour prouver au monde ce qui s’était passé au niveau local. C’était l’objectif. Ce n’est pas que l’on a eu à fabriquer, concocter des éléments de preuve contre un suspect pour avoir un procès, non, nous avons décidé de choisir de poursuivre les suspects pour prouver au monde ce qui s’est passé lors de cette tragédie horrible de 1994.
Ensuite, Monsieur Nkiko Nsengimana a posé une série de questions, je n’ai pas pu en prendre note. Il suggérait qu’il n’y a pas eu d’enquêtes sur le FPR. Ce n’est pas vrai, il y a eu des enquêtes, mais la question est de savoir si ces enquêtes nous ont permis d’avoir les preuves qui nous permettraient d’aller au procès. Il y a différents points de vue sur cette question.

Pourquoi n’y a-t-il pas eu d’enquête sur l’avion ? Madame Del Ponte vous a déjà répondu. Mais sans vouloir promouvoir un de mes adversaires ici, Peter Robinson, l’avocat de Nzirorera, a rédigé un article là-dessus et il a proposé une analyse juridique de l’attaque sur l’avion. Il a dit qu’il n’y avait aucune base, aucun fondement pour poursuivre. C’est un avocat de la défense, vous pouvez le consulter et voir comment il a analysé le droit relativement à cet incident. Il a conclu que le TPIR n’avait aucune base pour continuer à mener les enquêtes et à essayer de déboucher sur quelque chose de concret.

Mais, bien entendu, il nous faut des fondements juridiques pour pouvoir aller au-delà, il faudrait avoir les faits, les éléments de preuve, comme l’a dit Madame Del Ponte. Et je crois que l’on peut dire que nous avons fait un excellent travail en tenant compte des moyens que nous avions. Nous avons réellement pu atteindre la plupart de nos objectifs.

Quelqu’un a parlé de mener des enquêtes sur la famille de Habyarimana. L’affaire Zigiranyirazo était un cas par lequel on a pu mener des enquêtes et poursuivre le beau-frère de Habyarimana.

Pour conclure, je répondrais en partie au professeur Reyntjens. La question n’est pas de savoir pourquoi nous n’avons pas poursuivi le FPR au niveau du TPIR, mais plutôt de tenir compte du Statut, de notre compétence et de notre juridiction pour commencer.

Nous avions à tenir compte d’une large fourchette, d’un large éventail de crimes. Mais, malheureusement, il fallait tenir compte de la compétence temporelle du TPIR qui diffère de celle du TPIY — car le TPIY a une compétence illimitée. Néanmoins, sa compétence illimitée n’a pas empêché Srebrenica en 1995, mais cela leur donnait une perspective que l’on n’a pas au TPIR. Au TPIR, nous n’avons fait que de regarder vers l’arrière par rapport à un procès que nous avons entamé en 1994. Car, Monsieur Nsengimana a raison, le Rwanda ne souhaitait pas la création du TPIR en raison de la question de la compétence. Car il savait que, autrement, le FPR allait être poursuivi, alors il voulait que cette compétence s’arrête en 1994 et non en 1990, car ils ont vu que ces crimes ont été commis au cours d’une période de cinq ans.
Le Tribunal aurait eu beaucoup plus de force si les choses allaient dans l’autre direction, car la porte aurait été ouverte pour les crimes commis sur le territoire d’un pays voisin, que le Tribunal puisse servir d’acteur politique, même si ce n’est pas son rôle. Mais ces tribunaux ont été créés dans un contexte politique, et je crois que l’on aurait été en mesure de faire un meilleur travail et que l’on aurait pu avoir un plus large éventail de suspects si la compétence était beaucoup plus grande.

Je crois que j’en ai assez dit. Je vais m’en tenir là pour le moment. Je vous remercie.

J.P. GETTI

François-Xavier Nsanzuwera, et ensuite, Madame Haskell.