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contribution 05 - NGARAMBE Joseph

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Plaider coupable - Kambanda

Jospeh NGARAMBE

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C’est pour revenir sur la méthode de l’aveu et de l’affaire Kambanda. Monsieur Muna vient de dire que peut être les juges auraient dû. Mais moi, je veux parler du Bureau du Procureur parce qu’en novembre 2002, le Procureur m’a envoyé aller négocier avec Kambanda au Mali car Kambanda ne voulait plus parler à un seul membre du Bureau du Procureur. Le Procureur adjoint de l’époque qui assurait l’intérim, c’était Monsieur Michael Johnson. Il m’a demandé d’essayer de renouer le dialogue entre le Bureau du Procureur et Kambanda. Il a insisté pour que je le fasse. Je me suis engagé, je l’ai fait.

Je l’ai appelé, il a accepté me recevoir. Il a dit qu’il ne fallait pas que je vienne avec les gens du Bureau du Procureur. J’ai dit : je viendrai avec un membre du Bureau du Procureur. C’était Stephen Rapp qui était Avocat général principal, à l’époque, dans l’affaire des Médias notamment. J’ai dit que quand même je venais avec lui. Il a répondu « mais, je ne veux pas le voir ».

Nous sommes partis en mission. Stephen Rapp restait à l’hôtel, moi, j’allais négocier au centre de détention de Bamako. Il était fâché contre le Bureau du Procureur, et il m’a dit tout le mal qu’il en pensait : « ces gens n’ont pas de parole ». Je lui ai dit que ça avait changé, que « vraiment aujourd’hui, comme ils m’ont dit, c’est une nouvelle politique, ils ont changé, ils sont prêts à respecter leurs engagements ». Il a dit : « Joseph tu es naïf, tu ne les connais pas, ces gens n’ont aucun sens de la parole ». Alors, j’ai dit (c’est un camarade de lycée, en fait on se connaît de longue date) : « tu exagères quand même, tu es devenu paranoïaque ». Il a dit « Joseph, je vais te montrer que c’est toi qui est naïf, je vais te donner ta chance, je vais poser quelques conditions. » Il en a posé quatre, j’ai rédigé moi même les quatre conditions, je peux vous en citer deux, de mémoire parce que je n’ai pas le document sous les yeux. L’une des conditions c’était que le Bureau du Procureur s’engage à poursuivre aussi les gens du FPR, pour éviter de poursuivre un seul camp alors que deux camps ont commis de graves crimes. C’était une des conditions, la première, je pense.

La deuxième condition, touchait au fait qu’il fallait aller négocier à La Haye. La deuxième condition était que même si les négociations n’aboutissaient pas avec le Bureau du Procureur, on ne le ramène plus au Mali pour des raisons de sécurité. J’ai posé les quatre conditions, je les ai données à Stephen Rapp qui les a transmises à Monsieur Johnson, le Procureur adjoint de l’époque, qui les a acceptées. Il y a une signature, ils ont apposé une signature.

J’ai emmené Kambanda à La Haye. Dans l’avion, Monsieur le Greffier avait dépêché des gens à lui, parce que la procédure pour passer d’un pays à l’autre est très compliquée. Arrivé à La Haye, je ne connais plus le dossier, Monsieur Johnson s’en occupait avec d’autres. À la fin, ça n’a pas marché du tout et ils ont ramené Kambanda au Mali.

Je suis resté absolument ébahi parce que tout d’abord, je n’ai même pas su qu’on l’avait ramené au Mali. Ensuite, parce que la parole donnée avec signature n’avait pas été respectée du tout. Il y a un problème par rapport au fait de « respecter la parole ». Et j’ai beaucoup de cas avec le Bureau du Procureur pour lequel j’ai travaillé de 1996 à 2007.

Il y a un autre cas aussi où j’ai engagé ma parole et mon influence, c’est dans le cas Serugendo Il avait exigé que je sois le médiateur. Je suis venu, les affaires se sont bien passées, sauf qu’il est tombé malade, il a attrapé un cancer et il est mort. Mais entre temps, sa famille, qui avait demandé à être évacuée, est toujours à Arusha. Je n’ai toujours pas de nouvelles. Je n’ai pas de nouvelles alors que j’ai engagé ma parole.

Il y a un problème avec la parole donnée, au Bureau du Procureur. Cela a coûté très cher à beaucoup de témoignages potentiels.

A. GARAPON

Merci beaucoup pour ce témoignage. Je vois que le Bureau du Procureur est de nouveau interpellé, aussi bien sur le plaidoyer que sur la parole donnée et sur l’engagement.

Everard O’donnell a demandé la parole également.