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contribution 07 - AMOUSSOUGA Roland

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Les libérés - Plaider coupable - Kambanda

Roland AMOUSSOUGA

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Merci, Monsieur le Président. Je me permettrais certainement de revenir sur quelques points. D’abord, en ce qui concerne ce que Monsieur Muna a déclaré.

Si mes souvenirs ne me trompent pas, je m’interroge lorsqu’il dit que le Procureur aurait demandé, dans son réquisitoire, la peine de prison à vie. Si mes souvenirs sont bons, je pense que le Procureur aurait plutôt demandé 25 ans, et la Défense avait demandé 2 ans. Je me rappelle très bien la position de la Chambre, en particulier de feu Monsieur le Président Laïty Kama, qui s’était en quelque sorte désengagé et n’a pas été dans le sens souhaité par le Procureur. Sa Chambre a souhaité envoyer un appel solennel en disant que Monsieur Kambanda était le Premier Ministre, tout en considérant que c’était le premier plaidoyer de culpabilité et les circonstances aggravantes, la Chambre jugeait plutôt de le retenir dans les liens de la culpabilité à vie.

Je pense que la leçon à retenir de ce point, c’est que les juges, soucieux et jaloux de leur indépendance, n’ont certainement pas voulu s’accoquiner avec les négociations entre le Bureau du Procureur et l’Accusé. Je me demande s’il n’y avait pas un mécanisme qui aurait pu permettre dès le départ de mieux sensibiliser les juges à cela.

Je pense que Kambanda a été un cas d’école, comme on l’a dit hier, qui a permis l’avancée de ce bébé. C’était la première fois qu’on faisait face à une telle circonstance. Monsieur Kama n’étant pas un juge de la common law, il était gardien de l’orthodoxie du civil law. Monsieur Kama, je l’ai vu tenir son audience dans l’affaire Akayesu face au Procureur actuellement ambassadeur des États Unis, était très soucieux de l’indépendance des Juges. La décision Kambanda était l’illustration de cette indépendance. Et c’est regrettable parce que les conséquences ont été énormes.

Maintenant en ce qui concerne la situation des acquittés, je pense que le banc de la Défense ici a bien fait de relever cet aspect. Mais le crédit qu’il convient de remettre ici est de dire tout simplement que les États ont réellement un rôle à jouer. Le Greffe, ils l’ont souligné tantôt, mon collègue l’a souligné aussi, a tout fait, a fait tout ce qui était humainement possible pour créer des conditions idoines d’hospitalité et, ensuite négocier. Rien n’avait été prévu dans les textes, il est vrai, mais nous avons tout fait pour sensibiliser aussi bien le secrétariat général de l’ONU que des membres de l’ONU, mais rien n’a fait. Ceci constitue un défi auquel nous sommes confrontés.

Au delà de cet aspect, il y a également le défi de la situation de ceux qui sont libérés après avoir purgé leur peine. C’est une situation qui nous tient énormément à cœur, parce que cette situation jette une ombre sur le travail qu’effectue le Tribunal. Car quel est le statut de ces messieurs une fois libérés dans le pays de libération ? Étant entendu qu’ils ne veulent pas du tout retourner au Rwanda pour des raisons qui sont, bien entendu, claires. Le drame ici, c’est le manque de sensibilisation de la communauté internationale par rapport à la nécessité de prendre en compte la situation des acquittés et des personnes qui ont purgé leur peine et qui ont purgé leur dette. Il faut qu’il y ait un mécanisme de prise en charge correct de ce point de vue. Merci.

A. GARAPON

Merci beaucoup. Vous avez raison de souligner qu’il y a là encore une différence culturelle par rapport au plaider coupable. Il y a une résistance, je crois, de la part des juges de civil law à prendre en compte tous les pactes qui auraient pu être passés et dont ils ne veulent pas connaître par fonction.
Cécile Aptel ?