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contribution 36 - KAMILINDI Thomas

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Réconciliation

Thomas KAMILINDI

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Merci beaucoup, Monsieur le Président. Je vois dans l’intitulé « le jugement et la peine, les impacts ». Je voudrais souligner un aspect qui n’a pas été évoqué du tout, c’est l’impact psychologique et émotionnel d’un jugement.

Pendant le génocide, je parle donc d’un témoignage personnel , j’étais réfugié dans un hôtel à Kigali, qui est devenu célèbre, l’Hôtel des Mille Collines. Je ne suis pas un intellectuel, mais je ne suis pas non plus un paysan. Je veux dire que malgré le peu d’éducation que j’ai, voyant ce qui se passait pendant le génocide, franchement, je voyais ces tueurs comme des dieux, les dieux du mal, qui étaient donc totalement intouchables. Je ne pensais pas qu’une justice pouvait franchement s’exercer sur eux.

Quand la justice internationale a commencé, c’est elle qui a commencé à juger les grands, et parmi ces grands, il y a ceux qui m’ont envoyé des tueurs. Je me suis dit : « Ah, oui, finalement c’est quelque chose. Enfin. Ce que je ne pensais pas possible, ça arrive, mais c’est incroyable. »

Bref, j’ai attendu ces jugements avec une impatience que je ne peux pas décrire. Et donc, plus le temps passe, plus ça tue. Je plaide donc pour que les durées de détention préventive et de jugement soient écourtées parce que quand le jugement est tombé pour l’un d’entre eux qui m’a envoyé des tueurs à l’Hôtel des Mille Collines, j’ai pleuré d’émotion. Je me suis dit : « Est-ce que c’est vraiment arrivé qu’il soit condamné ? Tout puissant qu’il était ? La justice, franchement, a fait son travail. » J’ai ressenti comme un poids énorme qui partait de moi. C’est difficile à décrire, mais j’ai senti comme un poids énorme qui partait de moi, j’étais comme libéré de quelque chose que je ne peux pas décrire.

Cet aspect de l’impact émotionnel, je ne sais pas ce que peut faire un jugement pour un condamné ou pour quelqu’un qui est condamné et reconnu coupable, mais je pense que pour les victimes, c’est important. Un jugement, c’est très important. Ca les libère de quelque chose. A mon avis, les jugements devraient aller rapidement parce qu’en rendant justice à l’accusé, on rend l’humanité à la victime. Celui-là qui m’avait ôté mon humanité, qui m’avait dénié mon humanité, enfin, la justice me l’a rendue. Ce qu’on m’avait ôté, on me l’a rendu. Bref, si les jugements vont vite, aller vite, ça nous libère, nous aussi, les victimes. Je vous remercie beaucoup.

A. GARAPON

Merci beaucoup pour ce témoignage. Professeur René Degni-Ségui.