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contribution 31 - ARBIA Silvana

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Stratégies de la poursuite

Silvana ARBIA

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J’essaierai d’être très brève. S’agissant de Butare, c’est une affaire qu’on peut - comme l’a dit l’un des intervenants - prendre comme exemple de non fonctionnement ou de mauvais fonctionnement. J’accepte peut-être l’hypothèse, mais j’ai les preuves pour démontrer le contraire.

Il s’agit de six accusés dans le même procès et la jonction s’est révélée être une bonne stratégie. Si l’on considère seulement les arrangements pratiques comme par exemple la disponibilité de salles d’audiences pour six procès séparés et la disponibilité de six chambres pour juger six accusés séparément, on constate immédiatement les avantages de la jonction des six instances. Jamais on n’aurait pu trouver six chambres disponibles en même temps et six salles d’audience (ou bien trois dans la meilleure hypothèse), s’il avait fallu faire un procès individuellement à chacun des six accusés. Du retard aurait été sûrement accumulé dépassant la durée du procès dit Butare. Compte tenu aussi de la durée moyenne d’un procès avec un seul accusé (deux ans) on arriverait à une douzaine d’années au total.

Alors, je crois que si l’on considère cela, la durée de Butare, même si elle était effectivement longue, et même - je ne vais pas rentrer dans les détails, mais il y a eu presqu’un an d’interruption de ce procès – si l’on considère la globalité de la durée, c’est quand même un exemple d’économie de procès.

En ce qui concerne les aspects de la procédure, la jonction s’est révélée un moyen d’économie de procès parce que les témoins ont été appelés une seule fois et non six fois. Il s’agissait de témoins communs à différents accusés, surtout des témoins traumatisés, des témoins victimes ont été appelés une seule fois plutôt que six fois. Il est vrai que la durée de l’interrogatoire et du contre-interrogatoire était plus longue que ce qu’il peut y avoir dans un procès avec un seul accusé, mais compte tenu de tout cela, compte tenu du fait que la poursuite a appelé 58 témoins pour six accusés, je crois qu’à la fin, il y a eu une économie de procès importante.

Sur la question de la libération et de la liberté provisoire, il est vrai qu’il n’y a pas eu un seul cas où les Juges du TPIR ont accepté la demande de la défense, mais il faut aussi expliquer les raisons qui dans certains cas concrets ont empêché des décisions favorables. Je me rappelle par exemple de l’affaire Rukundo, dans laquelle la défense avait déposé une demande de remise en liberté durant la phase préliminaire, sans donner aucune indication sur le lieu, l’endroit, l’État où Rukundo pouvait rester en attendant d’être jugé.

Il y a donc des problèmes ; il y a eu des problèmes concrets dans les affaires du Rwanda, et il y a eu un problème majeur. Tout le monde le sait, mais je veux le rappeler, je veux mettre l’accent sur cela. Une personne arrêtée, c’est quelqu’un sur lequel il y a un acte d’accusation confirmé par un juge, accusation très grave. Il y a donc déjà eu une évaluation des éléments de preuve contre cette personne. Ce n’est donc pas le tout début de la procédure, c’est déjà un stade où il y a des éléments de preuve considérés suffisants par un juge pour confirmer des charges de génocide prima facie. Dans cette situation les risques de remettre en liberté l’accusé sont certainement graves.

Concernant la question des peines, je voudrais observer que dans tous les jugements, on constate qu’il y a une toute une partie consacrée à la détermination de la peine. C’est la manière, je pense, la plus simple de se rendre compte comment les juges considèrent cet aspect important de la sentence.
J’ai entendu quelqu’un qui comparaît les critères de détermination des peines adoptés par le TPIY et ceux appliqués par le TPIR. C’est complètement erroné parce que parmi les éléments que les juges doivent évaluer et considérer, il y a aussi la loi du pays concerné. Les lois du Rwanda ne sont pas les mêmes que les lois de l’ex-Yougoslavie en matière de détermination des peines, même s’il s’agit dans les deux cas de crimes internationaux de la même gravité.

C’est vrai, c’est une justice pénale internationale qui a une base commune, mais je pense aussi, qu’à l’avenir, il y aura toujours cet élément, cette référence aux lois nationales qui peut s’appliquer.

Il faut aussi considérer qu’il n’y a pas un système pénitentiaire propre à la justice pénale internationale. C’est pour cela qu’on peut constater des situations dans lesquelles un pays va appliquer ses propres lois pénitentiaires, peut-être complètement différentes d’un autre pays, pour des sentences émises par le même tribunal international et pour les mêmes crimes. Ça, c’est un problème qu’il faudra peut-être affronter à l’avenir.

A. GARAPON

D’autant que se posera le problème du temps long quand on prononce des peines de perpétuité. Qui aménagera une peine de perpétuité une fois que le Tribunal aura fermé ses portes, au nom de quel principe, de quel transfert de compétence ? Les questions sont très nombreuses.
James Stewart.