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contribution 15 - BIJU-DUVAL Jean-Marie

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Politique & Justice

Jean-Marie BIJU-DUVAL

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Merci. Un mot sur cette question de la justice internationale face à la politique et un mot du point de vue de la Défense. Défense qui est toujours la défense de l’individu, d’un individu. On a parlé de rapports de force, on a parlé de rapports de force entre puissance politique et institution judiciaire. La Défense, elle, se place nécessairement du point de vue d’un individu accusé.

Je ne reviens pas sur le cauchemar de Monsieur Everard O’Donnell, dont on sent qu’il est hanté par cette image d’accusés se réunissant en conclaves criminels au sein même du centre de détention. La réalité, c’est que lorsqu’il est accusé, l’individu accusé se retrouve essentiellement seul face à l’institution qui l’accuse, seul avec sa défense, seul avec son défenseur.

Ce défenseur est confronté, compte tenu du système judiciaire en vigueur, à la question politique. Par question politique, j’entends la confrontation avec les puissances étatiques et, en particulier en l’espèce, pour être très clair, avec l’État rwandais. Pourquoi ? Parce qu’il doit mener des enquêtes et ces enquêtes l’amènent essentiellement au Rwanda, dans un contexte où il est absolument seul, absolument démuni, bien plus que ne peut l’être le Bureau du Procureur, face aux paramètres politiques, au sens large du terme, qui pèsent sur le procès en cours.

D’autant que, dans certains cas, l’accusé a pu être un homme politique de l’ancien régime et qui doit faire face à une situation où ses adversaires politiques de l’époque ont pris le pouvoir. Je ne vais pas développer davantage cette question, mais cela nous ramène à une question technique importante du point de vue du bon fonctionnement de la juridiction internationale, qui est la question de savoir de quelle manière l’institution judiciaire peut assister l’accusé dans ses enquêtes face à un État comme le Rwanda, par exemple, qui va y faire obstruction.

La question s’est posée à plusieurs reprises devant le TPIR, il m’apparaît qu’aucune réponse satisfaisante n’y a été apportée. C’est une question qu’il faut garder en mémoire lorsqu’il s’agit de réfléchir aujourd’hui à l’organisation d’une justice pénale internationale.

Rappelons-nous, et j’en ai terminé , que parmi les accusés qui sont au centre de détention des Nations Unies à Arusha, il y a aussi des innocents, comme cela a été jugé par le TPIR. Raisonnons toujours avec cette idée que ceux qui sont accusés ne sont pas tous nécessairement coupables, qu’il y a parmi eux des innocents, que le procès révélera, et leur Défense se heurte, en tant qu’individu seul, à des difficultés extrêmes face à la question politique.

Vincent CHETAIL

Merci. André Guichaoua.