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contribution 26 - ROUX François

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Peine et détention

François ROUX

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Je voulais d’abord rassurer Monsieur O’Donnell puisque, semble-t-il, nous étions tous les deux dans l’illégalité en prenant le sentier insalubre. Mais à la pause, le commandant Guindo m’a assuré que ce problème allait être réglé et dorénavant, Monsieur O’Donnell, comme vous, nous pourrons rentrer par l’entrée principale. Formidable ! Vous voyez, ce colloque a au moins un résultat très concret !

Pour venir sur le montant des peines, j’ai plusieurs petites observations. Première observation. On peut comparer les peines prononcées au TPIY et les peines prononcées au TPIR. On constate alors qu’au niveau du montant des peines, les peines prononcées au TPIY sont toujours moindres que les peines prononcées au TPIR. C’est un constat. Or, ce sont deux tribunaux à équivalence.

De la même manière, au TPIY, il y a des libérations conditionnelles. Pour ma part, puisqu’il se trouve qu’à la suite des plaidoyers de culpabilité, j’avais des personnes qui avaient des peines relativement limitées, j’ai présenté deux fois des demandes de libération conditionnelle, étayées avec tous les éléments qui sont retenus au TPIY et au TPIR, ça m’a été refusé.

Donc, à ma connaissance, à part le cas Ruggiu qui est tout à fait exceptionnel, il n’y a eu aucune libération conditionnelle au TPIR. Pourquoi ?

Monsieur le Président, vous avez raison de dire que les textes le prévoient. Mais le texte est une chose, après, encore faut-il que les juges l’accordent. Pour l’instant, nous sommes obligé de constater qu’il n’y a pas eu, je dis bien au Tribunal du Rwanda, il n’y a pas eu de libération conditionnelle alors que, justement, les textes le permettent.

Je veux également rebondir sur ce que disait Thierry Cruvellier, mais je m’adresse plutôt aux chercheurs et aux universitaires. C’est vrai que nous attendons que vous nous livriez vos commentaires sur la différence que l’on pourra observer entre ce qui est dit aujourd’hui dans le Jugement Bagosora et ce qui était dit il y a dix ans dans le Jugement Akayesu.

Ca me renvoie à autre chose. Je veux bien qu’on dise que Tadic a rendu service au Tribunal et à la justice pénale internationale, je vieux bien qu’on dise qu’Akayesu a aussi rendu service à la justice pénale internationale, mais pardonnez-nous, nous, les avocats, on a une autre vision : quand on défend quelqu’un on défend un homme.

Je ne suis pas absolument certain que Monsieur Akayesu, quand on reverra son jugement, et peut-être qu’un jour on aura besoin de le revoir, ait la même approche que nous autres. Nous, on le voit avec du recul, on le voit comme des juristes, certes. Nous, les avocats, nous voyons un homme. C’est un homme que nous allons visiter en prison pendant des mois et des mois, c’est sa famille que nous voyons, c’est un homme que nous accompagnons devant le Tribunal. Ce n’est pas un cas, c’est un homme. Merci.

A. GARAPON

Oui, mais précisément, la justice est un système d’équivalence. Toute la difficulté de ces nouvelles juridictions est de trouver une échelle des peines. C’est d’ailleurs dit dans une des contributions, je crois par Cécile Aptel : comment trouver une échelle des peines et, surtout, quel va être le critère de cette échelle des peines ? Est-ce qu’elle sera ajustée à la gravité du crime alors que nous sommes là dans l’incommensurable ? Est-ce qu’elle sera ajustée au différentiel, la différence de gravité de l’un par rapport à l’autre, les accusés formant le groupe de référence ? Est-ce qu’il faut considérer l’économie de la peine, c’est-à-dire la peine comme monnaie d’échange pour obtenir des biens plus précieux comme la vérité historique ou comme des aveux ? Je crois que c’est un problème qui reste effectivement entièrement posé.

François ROUX

Est-ce que je peux juste ajouter un mot là-dessus ? Je n’aime pas quand on dit « ces gens ont tué des milliers de personnes ». Ce sont des généralités. Ce n’est parce qu’il y a eu un génocide. Le problème est de savoir : cette personne-là que vous jugez, combien lui a tué de personnes. Il y a eu près d’un million de morts au Rwanda, mais chacun n’a pas tué un million de personnes. Donc, faisons très attention à cela.

Pierre-Richard PROSPER
Mais c’est de quoi ils ont été reconnus coupables. Ils ont été reconnus coupables de la mort de milliers de personnes.

François ROUX

Pas un million de morts chacun.

Pierre-Richard PROSPER
Si il est reconnu que des milliers de personnes ont été tuées sous l’autorité d’une personne, cet individu mérite d’être condamné.