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contribution 04 - LURQUIN Vincent

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Les libérés

Vincent LURQUIN

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Je vous remercie, Monsieur le Président. Je vais poursuivre dans la ligne de Maître Roux. S’il est bien une chose sur lequel tous ici nous sommes d’accord, c’est que les décisions d’un Tribunal doivent être respectées. Si les décisions ne sont pas respectées, cela ne sert à rien d’avoir un Tribunal.

Un des scandales peut-être le plus important du Tribunal, c’est qu’aujourd’hui, le 10 juillet 2009, vous avez quelqu’un qui est à Arusha, André Ntagerura qui a été acquitté le 24 février 2004. Cinq ans et demi pendant lesquels on n’a pas trouvé de solution. Il a été acquitté avec un de mes clients, Emmanuel Bagambiki.

Pendant trois ans et demi, nous avons, avec l’aide du Greffier, tenté de trouver des solutions pour trouver un pays d’accueil à Monsieur Bagambiki. Je me souviens le jour de son acquittement, il y avait des émotions diverses : du côté de la Défense, une certaine joie de l’acquittement, vous le comprendrez ; du côté du Procureur, une certaine stupeur et puis le fait de dire « en tout cas, il ne faut pas qu’il parte ». Et le lendemain, un jugement qui disait « il faut d’abord bien sûr qu’il y ait un accord d’un pays pour l’accueillir ».

Cela a mis trois ans et demi. Madame le Juge Khan a parlé de la coopération avec les États, et elle a parlé ce matin en termes d’enquêtes et en termes d’arrestation. Parce que la coopération en termes d’acquittement, ça n’existe pas, parce que comme l’a très bien dit Maître Roux, l’acquittement n’est pas dans le Tribunal. Or, c’est essentiel. S’il n’y a pas d’acquittement, ça veut dire qu’on juge un système. L’acquittement prouve que ce sont des hommes qui sont jugés devant le Tribunal pénal international.

Trois ans et demi, trois ans et demi pendant lesquels ils étaient dans une condition encore moins bonne que celle dans laquelle ils étaient en prison. Ils n’étaient qu’à deux, un huis clos à deux, dans lequel ils téléphonaient en disant : « Maître, merci, merci, on a reçu la cuisinière à gaz qu’on attendait depuis un an et demi pour que nous ne mangions pas ce qui vient de la prison ». Puis, ils retéléphonaient en disant « Nous avons un problème, on a livré la cuisinière mais on n’a pas livré la bonbonne ». Parce que c’est trop dangereux. On a mis un an pour avoir cette bonbonne. Pendant trois ans et demi, ils ont vécu ce quotidien alors qu’ils étaient acquittés, mais le fait est qu’ils n’étaient toujours pas libres. Finalement, c’est une décision de la plus haute instance administrative de Belgique, le Conseil d’État, qui a considéré que le refus de regroupement familial opposé par la Belgique était illégal. On a donc pu faire venir Monsieur Bagambiki en Belgique.

Mais la leçon à tirer, c’est que nous tous autour de la table, nous ne sommes pas capables de faire en sorte qu’il y ait un État qui accepte d’accueillir une personne acquittée. Alors que dans tous les colloques et symposiums auxquels les États contractants participent en disant « Nous sommes pour la justice internationale », ils n’acceptent même pas d’avoir quelqu’un qui est acquitté. Est ce que ce n’est pas véritablement un scandale ? Est ce qu’il faut parler longtemps pour demander la liberté d’une personne qui est acquittée ?

Alors je crois que, si l’on doit avoir à la fin de ce symposium une volonté, c’est quand même chacun essaie de trouver une solution pour que l’on respecte simplement les décisions du Tribunal.

A. GARAPON

Merci beaucoup. Joseph Ngarambe.